- QAZWINI (AL-)
- QAZWINI (AL-)QAZW 壟N 壟 AL- (1203-1283)Encyclopédiste arabe, dont l’œuvre connut un durable succès dans l’ensemble de l’Orient musulman, autant arabe qu’iranien et turc, grâce aux traductions qui en furent faites en ces deux langues.Qazw 稜n 稜 rassemble, à une époque où la compilation et l’encyclopédie sont de règle, le donné géographique de ses prédécesseurs. Mais il s’agit d’un donné au sens le plus large, la description de la Terre regroupant autour d’elle celle de l’environnement de notre globe, c’est-à-dire de l’univers entier. Depuis les travaux de Wüstenfeld, au siècle dernier, on a pris l’habitude de désigner les deux grands ouvrages de Qazw 稜n 稜 sous les titres révélateurs de Cosmographie et de Géographie qui, à défaut d’être fidèles à la lettre même des originaux arabes, restituent assez bien l’esprit et le contenu de cette œuvre monumentale.D’abord les Merveilles de la création et les étrangetés des êtres (‘Adj ’ib al-makhl q t wa ghar ib al-mawdj d t , éd. F. Wüstenfeld, El-Cazwini’s Kosmographie , I, Göttingen, 1848). L’histoire du texte offre une complexité extraordinaire: sans parler des abrégés qui en furent faits par la suite ni des traductions persanes et turques, il semble y avoir eu, au départ, trois et même quatre versions de la Cosmographie , indice de l’intérêt porté à l’œuvre. Pourquoi ce succès?Peut-être doit-on en chercher la raison moins dans le contenu de l’ouvrage que dans sa présentation et dans les circonstances historiques de sa production. Le contenu comporte deux parties, consacrées respectivement aux choses du ciel et au monde sublunaire. En cette seconde partie, la géographie proprement dite (qui fera double emploi, sur ce point, avec les données de la Géographie ) intervient sous la forme de renseignements classiques sur les montagnes, les îles, les mers et les fleuves de la Terre, mais aussi sur l’espèce humaine. L’une des recensions se signale, sur ce point, par l’adjonction de deux chapitres sur les races et sur les arts. C’est une œuvre classique par le fait qu’elle offre au public cultivé une somme de la connaissance du temps en matière de sciences naturelles entendues au sens le plus large. Aussi bien n’aspire-t-elle à aucune originalité: elle reprend et expose simplement, sous la forme d’une somme, les travaux des devanciers.C’est dans les qualités de l’exposition qu’il faut chercher le mérite principal de Qazw 稜n 稜. Salué du titre d’«Hérodote du Moyen Âge» ou de «Pline des Arabes», Qazw 稜n 稜 reste — au-delà de la justesse toute relative de ce genre de comparaisons — remarquable par un sens inné de la vulgarisation comme du compromis qu’elle représente entre les nécessités de la connaissance technique et l’exigence de sa compréhension par un public aussi vaste que possible. S’y ajoutent l’emploi d’une langue claire et sans prétention et aussi le recours systématique à une illustration abondante. Mais ces qualités n’expliqueraient pourtant pas, à elles seules, l’accueil fait aux productions de Qazw 稜n 稜. Il importe de se replacer dans le contexte de désarroi sanglant créé par les invasions mongoles pour saisir la portée d’une œuvre qui, par son ampleur comme par son souci du public à toucher, s’inscrit, avec tant d’autres, dans la gigantesque entreprise de sauvetage du trésor culturel dont la civilisation musulmane et la langue arabe sont à la fois le thème et le véhicule. De ce point de vue, l’œuvre de Qazw 稜n 稜, écrite en arabe dans un contexte iranien bousculé par le nouveau monde turco-mongol, puis traduite à plusieurs reprises en persan et en turc, apparaît comme éminemment exemplaire d’une volonté de survie.La Géographie nous a été conservée sous deux recensions, l’une de 1263 sous le titre de Merveilles des pays (‘Adj ’ib al-buld n ), la seconde de 1275 sous celui de Vestiges des pays et renseignements sur les hommes ( th r al-bil d wa akhb r al-‘ib d ): c’est cette seconde version que F. Wüstenfeld a prise pour base de son édition (El-Cazwini’s Kosmographie , II, Göttingen, 1849). Un indice nous est donné, ici encore, du soin apporté par l’auteur à son œuvre, puisque la seconde recension constitue, par rapport à la précédente, sur bien des points une refonte totale, quant au donné même ou à la quantité des matériaux fournis. Comme pour la Cosmographie , le succès a été indéniable: traductions persanes et turques, au moins partielles, et abrégés sont là pour en témoigner.La Géographie recoupe en plus d’un point la Cosmographie , puisque toute une partie de celle-ci a trait au monde sublunaire. Le contenu de cette géographie, selon l’esprit de l’encyclopédisme de l’époque, se veut total. Dans la tradition d’Ibn al-Faq 稜h et de Y q t, la géographie prête ici un cadre à l’ensemble des renseignements intéressant l’entité considérée: pays, ville, mer, fleuve, montagne, tribu. La géographie physique voisine ainsi avec l’histoire, les traits coutumiers, les hommes célèbres, les mirabilia . Plus originale est l’organisation même du livre, qui décèle finalement la même volonté de ne rien laisser perdre des traditions antérieures. En classant ses rubriques par ordre alphabétique, Qazw 稜n 稜 n’eût fait que composer, après Y q t, un second dictionnaire géographique. Mais il opère ce classement à l’intérieur d’une autre répartition, selon les sept «climats» hérités de la Grèce et repris par Idr 稜s 稜. Finalement, ce n’est donc pas un dictionnaire géographique qu’il compose mais sept: un par climat.Située au carrefour de deux méthodologies, cette volonté de rassemblement total de la géographie antérieure se manifeste à un autre signe. Sans parler d’informations orales, Qazw 稜n 稜 cite environ cinquante auteurs, nous conservant parfois des fragments de leurs œuvres perdues. Son information couvre non seulement les pays d’Islam (où le Maghreb trouve une juste place), mais l’étranger (Afrique noire, Asie centrale, Europe occidentale, centrale et orientale notamment). De même que dans les ouvrages d’Idr 稜s 稜 et de Y q t, deux traditions se recoupent ici: celle de la géographie de l’univers et celle de la description exclusive des pays d’Islam. Si l’on ajoute le souci, déjà relevé dans la Cosmographie , de rendre l’œuvre accessible par un style tout entier voué aux nécessités de l’exposition plutôt que soucieux de ses exercices propres, on prend l’exacte mesure d’un propos qui, au bout du compte, a répudié l’originalité au profit de la volonté de rassembler et de servir.
Encyclopédie Universelle. 2012.